Efficacité réelle des centres de données
Détermination complète de l’efficacité énergétique
Le marché des centres de données ne cesse d’évoluer – tout comme la consommation d’énergie correspondante. Jusqu’à présent, l’efficacité énergétique était souvent exprimée par l’indicateur PUE, mais celui-ci correspond de moins en moins à la réalité. Comment déterminer avec précision l’efficacité et les émissions des centres de données?
Les marchés de l’électricité ont été extrêmement volatiles au cours des deux dernières années en raison des inquiétudes concernant l’approvisionnement en énergie. Avec la digitalisation croissante et l’introduction de l’intelligence artificielle (IA) dans tous les secteurs, l’inquiétude ne grandit pas seulement en ce qui concerne la consommation d’électricité dans les centres de données, mais aussi en ce qui concerne la demande croissante et l’impact écologique de l’informatique. Une étude de Schneider Electric prévoit une augmentation annuelle de 5% de la consommation d’électricité pour l’ensemble du secteur informatique entre 2023 et 2030, dont 75% devraient être attribués aux centres de données (poussés par l’IA) et aux réseaux mobiles (en raison du passage à la 5G).
La consommation d’électricité des centres de données dans le monde est restée relativement stable au cours des dix dernières années et représente environ 1,5% de la consommation globale d’électricité. Dans les économies orientées vers les services, ce pourcentage est un peu plus élevé: il est par exemple de 4% en Suisse. Cette stabilité s’explique par le fait que les entreprises se tournent de plus en plus vers le cloud et que les fournisseurs de cloud gardent un œil sur la consommation d’électricité afin de maximiser leur retour sur investissement. Les centres de données de colocation, qui abritent l’équipement informatique des clients, développent continuellement des infrastructures plus efficaces pour le refroidissement, la distribution d’électricité et la récupération de chaleur.
Une étude de l’Uptime Institute (figure 1) datant de 2022 montre que l’efficacité énergétique des centres de données dans le monde – mesurée par l’indicateur d’efficacité énergétique conventionnel Power Usage Effectiveness (PUE), obtenu en divisant l’énergie totale consommée par le centre de données par l’énergie totale utilisée par les équipements informatiques – ne diminue que lentement ces dernières années.
Quelles sont les limites du PUE?
Comme beaucoup d’autres indicateurs, le PUE a ses limites. Tout d’abord, il ne prend pas en compte l’impact environnemental total du fonctionnement du centre de données. Il ne considère que la part de l’électricité consommée dans l’infrastructure du bâtiment, y compris le refroidissement et la distribution de l’électricité, et ne tient pas compte des différentes manières par lesquelles le flux global d’énergie au sein du centre de données peut contribuer à la durabilité ou à réduire les émissions. Or, les centres de données modernes misent à la fois sur les technologies de recyclage de la chaleur perdue et sur les énergies renouvelables exploitées sur place.
Deuxièmement, la valeur PUE est sujette à des fluctuations qui dépendent de facteurs tels que la saison, la charge actuelle du centre de données et même l’heure de la journée. Cela en fait une mesure peu fiable de l’efficacité, surtout pour les centres de données qui fonctionnent dans des conditions environnementales et des charges variables.
L’une des plus grandes limites de la valeur PUE est qu’elle n’est pas très pertinente pour mesurer l’efficacité de l’informatique. Ironiquement, des serveurs inefficaces peuvent faire paraître la valeur PUE étonnamment basse. Cela est dû au fait que plus les appareils informatiques consomment d’énergie, plus le PUE s’améliore. Cela incite à fournir des ressources informatiques excédentaires afin d’améliorer artificiellement les valeurs PUE. Même si l’équipement informatique est efficace, ce qui est probablement le cas dans les centres de données récemment construits, le degré d’utilisation des systèmes informatiques influence aussi considérablement l’efficacité opérationnelle – mais la valeur PUE ne permet pas de savoir si les serveurs sont utilisés à 20% ou à 80%.
En Suisse, grâce à un travail exemplaire dans le domaine des centres de données durables, on vise une valeur PUE de 1,15. Cela signifie que plus de 80% de l’électricité de ces centres de données est utilisée pour l’équipement informatique (serveurs, mémoire, réseau). La question de la consommation d’énergie dans les centres de données et de son efficacité tourne donc autour de l’informatique.
Dans quelle direction évolue l’informatique?
Les prévisions technologiques indiquent une croissance spectaculaire de la consommation d’électricité dans l’informatique. D’un côté, les technologies de fabrication du silicium ont bénéficié pendant quatre décennies d’un doublement de la densité des puces tous les deux ans (la soi-disant loi de Moore). Cette augmentation de la densité des puces s’est accompagnée d’une amélioration correspondante de l’efficacité énergétique, de sorte que les puces plus denses ont pu fonctionner à des fréquences plus élevées sans que la consommation totale d’énergie n’augmente.
Mais les progrès en matière de densité du silicium ont entre-temps atteint des limites physiques. Bien qu’il y ait des améliorations dans les algorithmes, les logiciels et la conception des puces qui permettent de spécialiser les plateformes, aucune d’entre elles ne conduira à une augmentation exponentielle de la densité pour tous les services dans les centres de données.
D’un autre côté, la demande a été en moyenne multipliée par six chaque année au cours des dix dernières années en raison de la croissance rapide de l’intelligence artificielle (IA). Cela se produit en même temps que le ralentissement de la loi de Moore, ce qui signifie que les nouveaux appareils informatiques doivent désormais être développés et déployés plus rapidement qu’auparavant.
La figure 2 illustre l’augmentation rapide du Thermal Design Power (TDP) – la dissipation maximale de chaleur en watts – des processeurs (CPU) de serveurs, les unités de calcul de base dans les centres de données. Le TDP des CPU est passé d’une valeur à un chiffre dans les années 1990 à environ 100 W en 2000, puis s’est stabilisé pendant une dizaine d’années grâce à des designs efficaces sur le plan énergétique. Cependant, comme les gains en termes d’efficacité et de densité sont de plus en plus faibles, les TDP augmentent rapidement pour les derniers CPU. Les processeurs graphiques, les GPU, qui constituent la base de l’IA, présentent une valeur TDP dramatiquement plus élevée: 300 W pour une carte Nvidia A100, et le dernier produit, la carte H100, peut même atteindre 700 W.
Ces tendances nécessitent des méthodes et des indicateurs appropriés pour évaluer l’efficacité énergétique des appareils et des charges informatiques.
Quels sont les bons indicateurs de mesure pour l’informatique?
Compte tenu des prévisions de croissance de la consommation d’énergie de l’informatique et des progrès réalisés dans l’infrastructure des centres de données, de nouveaux indicateurs et méthodes d’évaluation de l’efficacité énergétique et des émissions des centres de données sont nécessaires. Cela vaut aussi bien pour l’infrastructure que pour l’équipement informatique. Ces indicateurs doivent non seulement prendre en compte le recyclage de la chaleur et l’utilisation d’énergies renouvelables dans l’infrastructure du bâtiment, mais aussi l’efficacité des différents composants de l’équipement informatique, y compris la logique de calcul (par exemple les CPU, les GPU et les accélérateurs), la mémoire, le stockage des données et l’équipement réseau. En outre, des méthodes de mesure précises ainsi que des logiciels et des instruments matériels appropriés sont nécessaires pour déterminer ces indicateurs.
Il est également essentiel de s’intéresser à d’autres indicateurs qui, jusqu’à présent, se trouvaient plutôt en arrière-plan, mais qui prennent de plus en plus d’importance. Le degré d’utilisation des charges de travail offre par exemple un aperçu plus nuancé de l’efficacité de l’utilisation des ressources informatiques. Un serveur qui n’est utilisé qu’à 20% la plupart du temps ne représente pas seulement une ressource inutilisée, mais aussi une inefficacité flagrante qui entraîne directement un gaspillage d’énergie et des coûts d’exploitation plus élevés.
La qualité technologique est également essentielle. Bien qu’il ne s’agisse pas d’un indicateur traditionnel, elle sert de référence pour évaluer les appareils et les méthodes utilisés dans un centre de données. Lors du choix des technologies, les exploitants doivent veiller à une performance maximale et se concentrer sur les options les plus modernes et les plus efficaces. Par exemple, opter pour la mémoire flash au lieu des disques durs peut réduire considérablement la consommation d’énergie et les besoins en refroidissement tout en accélérant l’accès aux données. De même, le choix de câbles en fibre optique au lieu de câbles en cuivre pour les réseaux augmente non seulement la vitesse, mais minimise également la consommation d’énergie. Ce choix s’étend également aux serveurs, aux blocs d’alimentation et aux distributeurs de courant qui se distinguent par leur efficacité énergétique, leur fiabilité et leur longévité, réduisant ainsi à la fois la consommation d’énergie et le coût total de fonctionnement.
Enfin, la température de fonctionnement maximale autorisée est un autre indicateur important. Traditionnellement, les centres de données fonctionnaient à des températures plus basses afin de minimiser le risque de surchauffe. Les appareils modernes ont toutefois été conçus pour fonctionner en toute sécurité à des températures plus élevées. En adaptant les températures de fonctionnement maximales autorisées à ces limites plus élevées, les entreprises peuvent réduire drastiquement la consommation d’énergie pour le refroidissement, ce qui a un impact considérable sur l’efficacité globale du centre de données.
Le label SDEA est exhaustif
Afin de pouvoir mesurer l’efficacité et les émissions des centres de données de manière holistique, la Swiss Datacenter Efficiency Association (SDEA) – un consortium de pionniers de la durabilité issus de l’industrie et de la science – a créé en 2020 le label SDEA. L’outil KPI (key performance indicator, indicateur clé de performance) de SDEA propose un calculateur qui enregistre le recyclage de la chaleur, l’utilisation des énergies renouvelables, la consolidation et la virtualisation des charges de travail, l’utilisation des serveurs, du stockage et des composants réseau, la compression des données, la technologie des composants de première classe et la température de fonctionnement autorisée. Selon une étude récente de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), le label SDEA est la seule certification pour les centres de données qui offre un classement quantitatif et ne se contente pas de faire des recommandations.
Lien
En tant qu’organisation à but non lucratif, la SDEA est partiellement financée par le programme SuisseEnergie de l’Office fédéral de l’énergie et est fière d’avoir Schneider Electric et SICPA en tant que sponsors premium.
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