Article Techniques de mesure , Éclairage

Du papillotement à une lumière agréable

Analyse des artefacts lumineux

04.11.2020

Le papillotement, également appelé «flicker», peut rendre l’éclairage artificiel désagréable, voire causer des problèmes de santé. Afin de pouvoir fournir une description précise de ces «artefacts lumineux temporels», les dernières approches employées pour les mesurer se servent des théorèmes de transmission des télécommunications.

Les LED, en tant que sources lumineuses, ont déclenché une révolution dans le domaine de l’éclairage, non seulement en termes d’efficacité mais aussi en ce qui concerne le design des luminaires. Lumière et source lumineuse ne sont désormais plus liées l’une à l’autre; l’imagination ne connaît presque plus de limites. La source lumineuse est constituée d’un simple composant optoélectronique. Quiconque est capable de concevoir un circuit opto­électronique peut désormais développer un luminaire. Nombreux sont ceux qui ont certainement pu constater, lors de l’achat de produits «rétrofit», que de tels circuits ne produisaient pas que de la lumière de bonne qualité et ont alors souhaité le retour de la bonne vieille ampoule à incandescence. Afin que le marché devienne plus sélectif, de nombreux indicateurs ont été établis, lesquels il y a dix ans n’étaient connus que des experts: température de couleur, rendu des couleurs, efficacité, durée de vie, etc. Sur la base de ces valeurs, le consommateur peut généralement décider quel produit choisir. Néanmoins, un sentiment étrange subsiste parfois.

Le papillotement, des fluctuations de l’intensité

Les LED sont des sources lumineuses qui suivent directement le courant de l’électronique et peuvent être allumées et éteintes avec des temps de réaction parfois inférieurs à 0,1 s. Toute fluctuation de tension, même courte, peut se répercuter directement sous forme d’une fluctuation de l’intensité lumineuse, si l’électronique n’a pas été conçue de manière adéquate. Cet effet présente toutefois un avantage: il peut être utilisé pour la gradation des LED en les allumant et les éteignant très rapidement afin de réduire la moyenne temporelle de la luminosité perçue par l’observateur (PWM, modulation de largeur d’impulsion). Si les commutations sont trop lentes ou trop irrégulières, la lumière semble clignoter: c’est ce que l’on appelle le papillotement, ou flicker.

Le papillotement classique (de 0 à 85 Hz)

Le papillotement est généralement ressenti comme une discontinuité dans les sensations visuelles, causée par des stimuli lumineux avec des variations temporelles de la luminance ou de la distribution spectrale.[6] Le seuil de perception diffère considérablement d’une personne à l’autre, comme l’on a pu s’en apercevoir du temps des écrans à tube cathodique. Certains n’avaient aucun problème avec une fréquence de rafraîchissement de 50 Hz, d’autres ne commençaient à être plus ou moins satisfaits qu’à partir de 85 Hz. En outre, l’œil humain peut détecter en périphérie des fréquences beaucoup plus élevées qu’à l’endroit où la vision est la plus nette. Du point de vue évolutionnaire, il s’agit là certainement d’un avantage: le tigre à dents de sabre ne s’est que rarement approché de face. Mais revenons au présent: l’éclairage ne peut être agréable que si un papillotement n’est en aucun cas perceptible. Suite à plusieurs études, depuis les années 1930 avec les tubes fluorescents et au cours des deux dernières décennies avec les LED, les experts considèrent qu’une fréquence de 400 Hz n’est plus perceptible. Si la LED brille avec une luminosité constante et qu’un lissage approprié du courant est effectué, il n’y a aucun papillotement.

L’effet stroboscopique (de 40 Hz à 2,5 kHz)

L’effet stroboscopique (SVM, Stroboscopic Visibility Measure, figure 1) est défini comme un changement dans la perception des mouvements, pour un observateur statique dans un environnement non statique, dû à un stimulus lumineux dont la luminance ou la répartition spectrale fluctue dans le temps.[6] Cette définition quelque peu compliquée peut être illustrée par le célèbre effet de roue: à certaines fréquences de la lumière, une roue qui tourne semble s’arrêter ou même tourner à l’envers. Très souvent, l’effet stroboscopique se produit avec des LED (généralement bon marché) à courant alternatif qui utilisent directement le courant du réseau et dont la luminosité fluctue ainsi avec une fréquence de 100 Hz. Cet effet est également observé avec des lampes fluorescentes plus anciennes dotées de ballasts conventionnels. Pour un usage domestique, cette fluctuation à 100 Hz peut facilement être détectée avec la caméra d’un smartphone: elle montrera un papillotement de la source lumineuse.

Mais des fréquences beaucoup plus élevées peuvent aussi poser problème en matière d’effet stroboscopique. Si, par exemple, la luminosité d’un luminaire doit être variée sur une grande plage (de 100% à 0,1%, ou 0,01% en tant que lumière de nuit), il est nécessaire d’utiliser une commande PWM avec une fréquence de commutation correspondante plus élevée. Pour une gradation 1:1000, la fréquence de base est encore de 400 kHz, ce qui ne pose pas de problème pour presque toutes les LED. Si le luminaire doit également être utilisé pour l’éclairage nocturne, la fréquence de base devrait déjà se situer à 4 MHz, ce qui devient difficile pour la plupart des LED, et la radio joue alors également un rôle. Pour certains modules LED d’une puissance nominale de 500 W, des courants allant jusqu’à 90 A devraient ainsi être commutés avec des fréquences aussi élevées. Il devient dès lors impossible d’empêcher l’émission d’ondes électro­magnétiques indésirables sans également agir sur la lumière.

L’effet «chapelet» (de 50 Hz à 2,5 kHz)

Enfin, un observateur en mouvement peut parfois observer ce que l’on appelle l’effet «chapelet» ou «de réseau fantôme» (PAE, phantom array effect). Il est défini comme la perception de taches lumineuses étirées dans l’espace lors d’un mouvement rapide et saccadé des yeux au-dessus d’une source lumineuse qui fluctue dans le temps.[6] La situation illustrée dans la figure 2 a probablement été vécue par tous les automobilistes à un moment donné. Dans ce cas, seule la vitesse peut apporter une solution: pas au volant, mais dans la commande.

Cadre juridique

Comme la perception du papillotement est tout à fait individuelle et que la comparaison directe de la qualité à l’aide de directives n’a pas été possible jusqu’à présent, une intervention a été réalisée au niveau réglementaire, et ce, après de nombreuses années de coordination. Les nouvelles exigences européennes d’écoconception pour les sources lumineuses fixeront à partir de 2021, pour la première fois de manière contraignante, les valeurs limites pour le papillotement (PstLM ≤ 1) et les effets stroboscopiques (SVM ≤ 0,4) des sources lumineuses. Il y a donc déjà un besoin en matière d’instruments de mesure précis et abordables pour les fabricants de luminaires, les concepteurs d’éclairage et les installateurs. Le consommateur aura ainsi également la possibilité de choisir ses sources lumineuses et ses luminaires selon le respect de ces exigences.

La mesure du papillotement

Mais comment mesurer «juste»? La technologie de mesure actuelle et les méthodes de mesure elles-mêmes atteignent aujourd’hui leurs limites (voir le rapport de l’U.S. Departement of Energy [1]). Les résultats erronés obtenus lors de certaines de nos propres expériences et mesures sur des LED avec contrôle PWM à étalement de spectre ainsi que des mesures de diverses lampes LED le prouvent: un papillotement intense est mesuré alors que rien n’est visible – ou inversément.

Et quelle est la précision de mesure?

Il existe plusieurs normes internationales qui fournissent des directives de mesure précises ainsi que diverses fonctions d’évaluation.[3] La norme EN 61000-3-3 (figure 3) montre, par le biais d’un schéma fonctionnel «concis», comment évaluer de manière simple le papillotement pour chacun des trois principaux types de papillotement (plus précisément: de TLA, Temporal Light Artefacts). Il existe encore une douzaine d’autres directives et protocoles de mesure. Il y en a de vraiment simples, comme l’évaluation du pourcentage de papillotement (profondeur de modulation) ou de l’indice de papillotement. Certaines métriques d’évaluation récentes sont toutefois beaucoup plus complexes, telles que celles de la CIE: IEC PstLM, des CIE: SVM, LRC Assist, CFD [4] ou de l’IEEE 1789-2015. La Nema et la CIE TN 006:2016 [2] proposent des comparaisons et des aperçus.

Il existe donc une multitude de métriques, de recommandations de valeurs limites et de normes, dont certaines sont complémentaires et peuvent également produire des résultats contradictoires lorsque des mesures concrètes sont effectuées sur un luminaire identique (tableau). Les nouveaux appareils de mesure doivent pouvoir les maîtriser et enregistrer correctement les fréquences de signal plus élevées. En outre, le développement d’autres algorithmes et mesures fait l’objet de recherches, également afin de résoudre ces contradictions.

Le projet

Depuis près de 30 ans, l’institut de recherche Optotransmitter Umwelt­schutz Technologie (OUT) e.V. a mené plus de 200 projets de coopération en relation avec les LED. Dans certains d’entre eux, l’accent était aussi mis sur l’être humain et son sens le plus important, la vision; comme dans le cas du projet dorénavant achevé, dont l’objectif était de développer un nouveau type d’appareil de mesure du papillotement ainsi qu’une source de test (le simulateur de TLA). Celle-ci devait permettre de reproduire tous les luminaires pertinents pour la pratique afin de tester les appareils de mesure du papillotement.

Un test comparatif des appareils de mesure du papillotement disponibles sur le marché, réalisé par la ZVEI (Zentralverband Elektrotechnik- und Elektronikindustrie e.V.), a montré que les luminaires LED modernes dont les schémas de commande sont partiellement compliqués ou utilisés dans des applications VLC (visible light communication) sont systématiquement mal mesurés, et que tous les appareils de mesure affichent un papillotement alors qu’il n’y en a pas. L’objectif principal du projet consistait à éliminer ce défaut. À cette fin, l’entreprise de développement électronique Code Mercenaries et l’institut de recherche OUT ont mis au point, dans le cadre d’un projet de coopération compact, un nouveau type d’appareil de mesure du papillotement ainsi qu’une lampe de test pour la vérification (figure 4).

Le «Flickermeter» développé dans le cadre de ce projet enregistre la forme du signal lumineux à une fréquence d’échantillonnage élevée sur une longue période, afin de détecter également de rares pics de luminosité. Le logiciel peut alors calculer les artefacts lumineux temporels (TLA) d’après les métriques actuelles (PstLM, SVM, LRC Assist, indice de papillotement, profondeur de modulation, etc.). Le logiciel est open source pour permettre des mises à jour simples et son adoption par d’autres groupes de recherche afin que ces derniers puissent développer de nouveaux algorithmes de calcul. La fréquence d’échantillonnage élevée de 2 MHz permet, comme application supplémentaire en dehors de l’éclairage intérieur, le contrôle des sources de lumière LED pour les enregistrements des caméras ultra slow motion, par exemple pour les émissions sportives ou dans le domaine scientifique. En outre, le futur appareil de mesure devra être portable et exploité sur un smartphone, ainsi qu’abordable pour les utilisateurs disposant d’un petit budget.

Afin de tester la fiabilité de ce dispositif et d’autres appareils de mesure de TLA, un simulateur de TLA est également en cours de développement. Celui-ci est composé d’une source de lumière blanche LED stable qui peut être pilotée aussi bien par une PWM de différentes fréquences et rapports cycliques qu’au moyen de toute forme de signal.

L’appareil de mesure et le simulateur de TLA sont actuellement en cours de développement. Un premier prototype et les premiers résultats de mesure sont attendus pour la conférence «Licht 2021». L’appareil de mesure final facilitera le contrôle des artefacts lumineux temporels et permettra ainsi de reconnaître de manière fiable un éclairage LED de haute qualité, ce qui pourrait enfin améliorer l’acceptation des LED par la population.

Pour en savoir plus

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Programme et inscription

Auteur
Dr. Ing. Adrian Mahlkow

est vice-président de l’institut de recherche Optotransmitter-Umweltschutz-Technologie e.V.

  • OUT e.V.
    DE-12555 Berlin
Auteure
Dr. Inga Rothert

est collaboratrice scientifique et responsable du projet Flickermeter.

  • OUT e.V.
    DE-12555 Berlin

Commentaire

Quelle est la somme de 1 et 6 ?