Article Efficacité énergétique , Mobilité

CPL-G3 sur les réseaux électriques basse tension

Performances de télécommunication

07.12.2017

Dans le domaine du comptage intelligent, la technologie CPL-G3 suscite un intérêt grandissant chez les gestionnaires de réseau car elle permet la relève à distance de compteurs électriques, avec le réseau électrique comme média de communication. Dans la pratique, comment cela se concrétise-t-il?

L’article précédent [1] a démontré par des mesures «point-à-point» que les performances de communication du standard CPL-G3 pratiquement atteignables sur la couche physique (couche n°1 du modèle OSI) n’étaient que peu influencées par les caractéristiques physiques du réseau électrique, alors que les charges connectées au réseau électrique avaient une influence significative. L’environnement urbain, plus dense en charges, avait été identifié comme présentant les plus mauvaises conditions pour un réseau de télécommunication de type CPL-G3. Par ailleurs, il avait été montré que les performances de communication CPL-G3 sur la bande de fréquence FCC-1 (150 kHz – 500 kHz) étaient largement supérieures à celles obtenues sur la bande Cenelec-A (9 – 95 kHz). Finalement, des tests complémentaires avaient permis de mettre en évidence que les performances de communication CPL-G3 variaient selon les heures de la journée et qu’une non-coïncidence des phases pouvait dégrader fortement la qualité de la communication.

À la lumière de ces constats, il a été décidé de poursuivre les mesures de performances CPL-G3 dans un environnement réel et identifié comme critique, soit un environnement urbain avec une forte densité de charges clients connectées au réseau électrique. Cette suite de test avait pour but d’évaluer les performances de communication sur la couche applicative (couche 7 du modèle OSI) qui supporte le protocole DLMS et les objets Cosem. Ces essais ont été réalisés avec un total de 92 compteurs, répartis sur trois réseaux basse tension. Au final, seul un compteur a été installé par immeuble. Les mesures ont d’abord été effectuées sur la bande FCC-1, puis sur la bande Cenelec-A. Le matériel utilisé a permis une commutation à distance d’une bande à l’autre par l’envoi d’un ordre depuis le Data Concentrateur (DC) installé dans la station transformatrice. Les tests se sont déroulés pendant quelques semaines.

Le but de ces essais était de mesurer les performances de communication CPL-G3 avec une topologie dite «maillée», et non plus «point-à-point» comme dans l’article précédent. Dans cette configuration, chaque compteur peut faire office de répéteur pour un ou plusieurs autres compteurs. La constitution du maillage dépend de la qualité du signal et des niveaux de perturbation présents aux différents endroits du réseau (voir figure 1).

Distances de communication et niveaux de bruit

Tout d’abord, un compteur a été installé à chacune des extrémités des réseaux BT. Ces compteurs sont repérés par un cercle orange sur la figure 2. Les premiers essais ont été effectués sur la bande FCC-1. Dans ce cas, 90% des compteurs, soit 18 sur 20, communiquaient avec leur DC respectif. La distance de communication maximale était alors de 440 m. Seuls deux compteurs sont restés inatteignables: N7653 et N7676 (figure 2). Ils se trouvaient à une distance de 300 m, respectivement 360 m du DC. Il est à relever que ces deux compteurs étaient les seuls reliés au DC par des tronçons de lignes aériennes. En bande Cenelec-A, seul 35% des compteurs, soit 7 sur 20, étaient joignables. Dans cette configuration, la distance de communication maximale était de 287 m. Lors de l’installation des compteurs, les niveaux de bruit ont été mesurés sur les bandes Cenelec-A et FCC-1 à chaque emplacement compteur. Ces mesures ont révélé des niveaux de bruit beaucoup plus élevés sur la bande Cenelec-A que ceux sur la bande FCC-1. Le bruit perturbe le signal CPL-G3 et il est fort probable qu’il soit l’une des causes majeures de ces écarts de performance entre les deux bandes.

Compteurs inatteignables sur la bande Cenelec-A

Chaque immeuble a ensuite été équipé d’un compteur (figure 2: labels verts). Dans cette phase, le but était d’évaluer la proportion de compteurs pouvant communiquer avec son DC respectif, avec des compteurs fonctionnant comme répéteurs pour le signal CPL-G3 et pour un déploiement spatial complet. Sur la bande FCC-1, 100% des compteurs communiquaient. En bande Cenelec-A, les résultats obtenus sont nettement moins bons. Quatre compteurs isolés et une «branche» de neuf compteurs n’ont jamais réussi à établir une communication avec leur DC respectif et sont restés inatteignables pendant toute la durée des essais. Ceci représente 15% des compteurs installés. Aucune mesure n’a été entreprise pour tenter de rendre ces compteurs atteignables, ni une recherche en termes de perturbateurs, ni une analyse visant à vérifier la coïncidence des phases de raccordement des compteurs. Ce test démontre que, dans certains cas où la bande Cenelec-A est utilisée, des actions devront être entreprises pour améliorer le taux d’accessibilité des compteurs. Si cela n’est pas fait à l’installation, il faudra envisager de corriger la coïncidence de phase entre les modems CPL-G3 et les compteurs et entreprendre des travaux de clean-up, c’est à dire identifier et éliminer les éventuelles sources perturbatrices sur le réseau. Si les compteurs et le DC sont configurés en bande Cenelec-A, la solution serait, en fonction des autorisations obtenues, de commuter la grappe complète de compteurs de la bande Cenelec-A sur la bande FCC-1. Si aucune mesure évoquée ci-dessus n’est efficace ou possible, il faudra prévoir de remplacer les compteurs qui demeurent inaccessibles et isolés par des compteurs qui communiquent en point-à-point via le réseau de communication mobile 3G ou 4G par exemple. Pour des «branches» de compteurs inaccessibles, des répéteurs CPL-G3 pourraient être installés dans les armoires BT. Une autre alternative envisageable consisterait à installer des Data Concentrateurs en pieds d’immeubles, pour autant que cela soit techniquement réalisable et économiquement viable. Dans tous les cas, une stratégie et un processus de résolution de ces problèmes de communication doit être mis en place et les coûts estimés doivent être inclus dans les budgets du projet. Il est à relever que le déploiement et l’exploitation de réseaux CPL-G3 seraient considérablement facilités si la bande FCC-1 pouvait être utilisée à large échelle.

Nombre maximum de compteurs par DC

L’objectif de cette série de mesures était d’évaluer le nombre maximum de compteurs pouvant être connectés à un DC en fonction de la bande de fréquence utilisée. Pour ce faire, le Round Trip Time (RTT) a été utilisé. Le RTT représente l’intervalle de temps entre l’envoi d’un message par l’émetteur et la réception de la réponse à ce message par ce même émetteur. Toutes les 15 minutes, un message est envoyé à chaque compteur de manière successive et le RTT est mesuré. La taille du message envoyé du DC vers un compteur correspondait à la requête des quatre valeurs quart-horaire d’une courbe de charges, alors que la taille du message de la réponse du compteur au DC correspondait à l’envoi des quatre valeurs de mesure. Connaissant la taille des messages et la valeur du RTT, il est possible de calculer la bande passante par compteur. Ceci permet ensuite de calculer le nombre théorique de compteurs qu’il est envisageable de connecter sur un même DC pour acquérir ce type de données. Il s’agit là d’une comparaison en termes de bande passante uniquement. De plus, la méthode utilisée ne comprenait ni chiffrage, ni mécanisme de sécurité de transmission.

En bande Cenelec-A, le RTT moyen mesuré est de 2.2 secondes, alors qu’il est d’une seconde sur la bande FCC-1. La bande passante est donc deux fois supérieure en FCC-1. À titre de comparaison, sur un même DC, il serait possible de connecter 850 compteurs en bande Cenelec-A alors qu’on atteint presque 2000 compteurs en bande FCC-1. Ces valeurs comparatives sont valables dans le cas où la bande passante moyenne disponible reste constante quel que soit le nombre de compteurs. Pour Romande Energie, le nombre maximal de compteurs sur un même réseau CPL-G3 se monterait à 658. Par ailleurs, 98% des réseaux CPL-G3 seraient composés de moins de 330 compteurs, alors que la moyenne se situe à environ 80 compteurs. Pour autant que les compteurs soient atteignables, la bande passante moyenne en Cenelec-A semble donc largement suffisante pour relever toutes les 15 minutes les valeurs des quatre courbes de charges de tous les compteurs connectés à un DC.

Coïncidence de phase

L’article précédent avait démontré qu’il y avait une dégradation des performances de communication si les modems CPL-G3 des compteurs n’étaient pas connectés sur la même phase. De ce fait, une méthode de repérage de coïncidence des phases avec un générateur de signal a été testée lors de l’installation des compteurs. Elle s’est finalement avérée trop aléatoire, trop compliquée et beaucoup trop longue à mettre en œuvre (env. 5-10 min/cpt). Néanmoins, si le compteur arrive à se connecter au DC, la norme CPL-G3 [2] propose un mécanisme fiable pour déterminer sur quelle phase le modem CPL-G3 du compteur est connecté. Dans notre cas, cette information était disponible dans le DC. Lors des essais, les phases d’un compteur inaccessible sur la bande Cenelec-A ont été permutées afin de rétablir la coïncidence de phase avec les compteurs voisins. Une fois la coïncidence de phase obtenue, le compteur s’est associé au réseau CPL-G3 dans la minute et a ensuite fonctionné sans interruption. Ceci prouve une fois encore que la coïncidence de phase améliore sensiblement les performances de communication CPL-G3.

Restrictions d’utilisation de la bande FCC-1

Les résultats de nos mesures ont démontré que les performances de communication CPL-G3 en bande FCC-1 (150 kHz – 500 kHz) sont largement supérieures à celles obtenues en bande Cenelec-A (9 – 95 kHz). Ceci vient principalement du fait que la bande Cenelec-A est beaucoup plus perturbée par les charges clients que la bande FCC-1, alors que, en théorie, cette bande Cenelec-A est réservée à l’utilisation exclusive des GRD. Les exploitants de réseau seraient dès lors enclins à déployer un système qui utilise la bande FCC-1 plutôt que la bande Cenelec-A. Cependant, l’Ofcom (Office fédéral de la communication) a édicté la prescription technique administrative PTA 5.1 [3] qui en limite l’utilisation. Si pour les liaisons souterraines les GRD pourraient envisager l’exploitation d’un réseau CPL de manière permanente, ils doivent au préalable l’annoncer à l’Ofcom en présentant un dossier contenant les informations techniques et géographiques du réseau. L’Ofcom peut alors restreindre ou exclure par voie de décision la réalisation du réseau dans certaines régions dans le but de garantir le bon fonctionnement des services de radiocommunication et de radiodiffusion aux ayants droit. Pour les liaisons aériennes, il est actuellement interdit d’utiliser cette bande de fréquence de manière permanente. Toutes ces restrictions et formalités administratives représentent un frein important au déploiement des systèmes de communication CPL-G3 utilisant la bande FCC-1.

Dans la PTA 5.1 [3], il est précisé que le niveau de rayonnement parasite émis par des réseaux intégrant des systèmes de communication CPL doit respecter les limites contenues dans la recommandation ECC/REC/(05)04 [4]. Cependant, l’Ofcom n’avait jusque-là pas effectué de mesure de perturbations électromagnétiques émises sur le terrain par des appareils CPL-G3 connectés au réseau BT et sur la bande FCC-1. L’Ofcom devait donc faire des mesures afin de vérifier si les limites contenues dans [4] pouvaient être respectées dans le cas du réseau CPL-G3. En fonction des résultats, l’adaptation de la PTA 5.1 [3] sera étudiée.

L’Ofcom a effectué ces mesures sur le site de Rolle aux abords de liaisons aériennes (lignes et câbles) et aux points de résurgences des liaisons souterraines, c’est-à-dire à proximité d’armoires de distribution, de lampadaires, de compteurs, de la station MT/BT, etc. (voir figure 3).

Les mesures révèlent que le niveau moyen de rayonnement parasite émis par les réseaux est environ supérieur de 8 dB aux limites définies dans [4]. À proximité des liaisons aériennes, comme le montre la figure 5, les niveaux de rayonnement parasite les plus élevés ont atteint un niveau supérieur de 30 dB aux limites définies dans [4], respectivement + 20 dB à proximité des points de résurgences des liaisons souterraines. Ceci signifie que la réception d’autres services radio ayant droit d’usage pourrait se retrouver perturbée dans un périmètre allant de quelques dizaines de mètres pour les services les moins sensibles à quelques centaines de mètres pour les services les plus sensibles.

Sur la base d’un modèle très simplifié, l’Ofcom a effectué des simulations montrant qu’une diminution des émissions électromagnétiques d’environ 30 dB serait potentiellement atteignable si les modems CPL-G3 étaient raccordés entre deux phases et non entre le neutre et une phase. Dans ce cas de figure, les niveaux de rayonnement parasite resteraient dans les limites recommandées dans [4]. Afin de valider ceci dans la pratique, un projet est actuellement en cours chez Romande Energie, en collaboration avec Landis+Gyr et l’Ofcom. Cependant, ce type de raccordement n’étant possible que dans un réseau triphasé, il n’est pas usité aujourd’hui par les fournisseurs de compteurs et les systèmes déployés avec ce type de raccordement ne seraient donc pas standard.

Une technologie efficiente garantie par la bande FCC-1

L’utilisation de la bande de fréquence FCC-1 améliore significativement les performances et la fiabilité de communication CPL-G3. La possibilité pour les GRD d’utiliser cette bande de fréquence à large échelle diminuerait assurément et de manière conséquente les coûts d’exploitation d’appareils communicants déployés sur le réseau électrique basse tension, tels que les compteurs intelligents. Pour rappel, ces derniers font partie des moyens décrits dans le premier paquet de mesures de la Stratégie énergétique 2050 – plébiscitée par le peuple suisse lors de la votation du 21 mai 2017 – pour atteindre les objectifs d’efficacité énergétique fixés. Il est aussi important de mentionner que ces économies réalisées par l’utilisation de la bande FCC-1 profiteraient au final, et en totalité, à la population. De plus, cette bande de fréquence est de moins en moins utilisée par une grande partie des ayants droit actuels. Pour toutes ces raisons, il serait judicieux que l’Ofcom allège les restrictions techniques et les formalités administratives de la PTA 5.1 [3] relative à l’utilisation de la bande FCC-1 pour les technologies de communication CPL. Ceci permettrait de garantir une exploitation pérenne des compteurs intelligents par l’utilisation d’une technologie de communication techniquement fiable et économiquement viable.

Références

[1] Gaël Mauron, «Performances de télécommunication CPL-G3 sur le réseau basse tension, évaluation et identification des facteurs d’influences», Bulletin SEV/AES 9/16. 
[2] G.9903: Narrowband orthogonal frequency division multiplexing power line communication transceivers for CPL-G3 networks (chapitre 8.9, p.51), UIT, 2014.
[3] Ofcom, «Prescriptions techniques et administratives concernant les installations de télécommunication filaires utilisant la technologie des courants porteurs en ligne (technologie CPL) dans le cadre de services de télécommunication et de réseaux privés s’étendant sur plusieurs bâtiments non contigus. Prescriptions techniques et administratives pour le CPL» (SR784.101.21-5.1), PTA 5.1 RS 784.101.21, 2015.
[4] Electronic Communication Committee (ECC), «Criteria for the assessment of radio interferences caused by radiated disturbances from wire-line telecommunication networks», ECC Recommendation (05)04, 2005.

Auteur
Gaël Mauron

est responsable de l’étude de faisabilité technique pour la partie télécommunication du projet SmartMetering lancé par Romande Energie.

  • Romande Energie,
    1110 Morges

Commentaire

Duo rodrigue,

Très bon document mais j’aimerais avoir beaucoup de détails car je travaille sur un projet Data science sur une optimisation des lecture des DCU sous le protocole G3-PLC de la société d’électricité en Côte d’Ivoire et là je veux savoir les différents paramètres d’une bonne lecture. Je n’ai pas encore rencontré le service technique mais je voudrais avoir plus d’info à mon niveau. Merci

Veuillez calculer 8 plus 8.