Article Autoconsommation , Régulation , Énergies renouvelables

Consommation propre : de nombreux changements

Conséquence de la SE 2050

27.09.2017

La réglementation de la consommation propre permet aux consommateurs finaux ayant leur propre production de consommer eux-mêmes l’énergie produite; ils économisent ainsi sur les coûts énergétiques, les rémunérations pour l’utilisation du réseau et les taxes légales et amortissent plus rapidement leur installation de production.

Suite à l’adoption du premier volet de mesures de la Stratégie énergétique 2050 (SE  2050), la Loi sur l’énergie (LEne) sera totalement révisée au 1er  janvier 2018, ce qui touche aussi fortement la réglementation de la consommation propre. Le législateur fonde de grandes espérances sur la réglementation de la consommation propre pour ce qui est de l’utilisation efficace de l’énergie produite de manière décentralisée. Grâce à l’emploi supplémentaire de systèmes de commande et de réglage intelligents, la consommation peut par exemple être activement adaptée à l’offre actuelle en énergie ou être commandée par des tiers.

La LEne révisée est connue et entrera en vigueur le 1er  janvier 2018. En revanche, l’Ordonnance sur l’énergie (OEne), qui précise les réglementations contenues dans la LEne, ne sera vraisemblablement publiée qu’en novembre 2017. L’AES est favorable à un délai de transition pour la mise en œuvre des réglementations car l’introduction de nouveaux processus, l’adaptation des systèmes et les autres travaux préparatoires nécessiteront une période largement supérieure à un mois. Toutefois, on ne sait pas encore si cette demande sera reprise, ni dans quelle mesure.

De la collectivité à l’optimisation individuelle

Il y a une bonne centaine d’années, les pionniers de l’approvisionnement en électricité ont vite compris qu’il serait plus fiable et meilleur marché de développer un approvisionnement en énergie collectif plutôt que de nombreuses petites installations décentralisées. C’est pourquoi ils ont commencé par relier les uns aux autres les consommateurs finaux d’abord dans les villages, puis dans les régions et enfin entre les différentes nations. C’était la seule manière de concrétiser la disponibilité élevée que nous connaissons aujourd’hui, à des coûts faibles pour les consommateurs finaux.

Aujourd’hui, soutenue par le développement de nouvelles technologies, la tendance prend une autre direction : les milieux politiques voudraient encourager la production décentralisée indigène en renforçant la consommation propre en plus de la rétribution à prix coûtant du courant injecté. À cela s’ajoute le fait que les règles tarifaires pour le niveau de réseau  7 seront peut-être elles aussi modifiées avec la révision de l’Ordonnance sur l’approvisionnement en électricité (OApEl) dans le cadre de la SE  2050, que les tarifs de puissance ne seront plus possibles que de façon restreinte et que 70 % de l’utilisation du réseau devront être facturés sur la base des tarifs de travail. Si, grâce à votre production propre, vous soutirez moins d’énergie du réseau, vous pouvez économiser les rémunérations pour l’utilisation du réseau et les taxes légales en plus des coûts pour l’énergie. Les coûts pour l’infrastructure du réseau ne baissent pas toutefois grâce à la consommation propre car les consommateurs propres recourent généralement toujours à la même capacité de réseau qu’avant l’instauration de la consommation propre (par exemple en raison du soutirage de courant depuis le réseau en hiver). Dès que la production propre fait défaut ou qu’elle ne fournit pas une puissance suffisante, de l’énergie peut être soutirée du réseau. Dans un système de tarification basé en priorité sur le travail électrique soutiré, les consommateurs propres profitent d’une nouvelle répartition des coûts du réseau, au détriment des consommateurs finaux sans production propre.

Si la réglementation de la consommation propre était complétée par une tarification conforme au principe de causalité, l’effet serait positif pour tous les consommateurs finaux comme pour les gestionnaires de réseau car cela permettrait de faire effectivement des économies sur la capacité de réseau et, ainsi, sur les coûts du réseau. Si une communauté d’autoconsommateurs avec production propre réussit à réduire à long terme la puissance soutirée à travers l’adaptation du comportement de consommation et, le cas échéant, l’utilisation de dispositifs de stockage, elle abaisse les coûts du réseau et devrait donc également payer moins de rémunérations du réseau. C’est exactement cela qui devrait se refléter dans les tarifs de réseau. Néanmoins, tant les prescriptions sur la tarification existantes que celles prévues dans le cadre de la SE  2050 se concentrent uniquement sur des économies unidimensionnelles et individuelles du côté du consommateur propre. Celui-ci n’est pas récompensé pour l’utilisation de commandes intelligentes, alors même que ces dernières soutiennent aussi une infrastructure de réseau efficace.

Étant donné que le réseau de distribution doit être renforcé ou étendu à de nombreux endroits pour permettre la production décentralisée, ces constructions nouvelles agissent comme un facteur de coûts pour les réseaux de distribution. La baisse de la participation des consommateurs propres aux coûts du réseau fera augmenter encore davantage les tarifs. Afin d’optimiser au mieux les coûts de l’extension du réseau, les gestionnaires de réseau doivent disposer d’une base juridique pour appliquer des tarifs conformes au principe de causalité.

Conditions préalables à la consommation propre

Avec la SE  2050, l’idée fondamentale de la consommation propre est maintenue : les consommateurs finaux avec production propre doivent pouvoir consommer eux-mêmes l’énergie sur le lieu de la production. Ce principe sera développé grâce à une interprétation de l’extension spatiale du « lieu de la production » qui reste encore à définir dans l’Ordonnance sur l’énergie : à l’avenir, les propriétaires fonciers pourront constituer, à certaines conditions, une communauté d’autoconsommateurs (CA) pour plusieurs consommateurs finaux ou une communauté d’autoconsommateurs avec plusieurs propriétaires fonciers. Il sera précisé dans l’ordonnance dans quelle proportion cela inclut les terrains voisins. Au sens de la législation sur l’énergie, on entend par propriétaire foncier les propriétaires de maison, mais aussi les propriétaires par étage et les titulaires d’un droit de superficie. La technologie de production et les rapports de propriété des installations de production ne joue aucun rôle pour la réglementation de la consommation propre.

Conditions préalables à la constitution d’une CA

Le propriétaire foncier annonce au gestionnaire de réseaux de distribution (GRD) la constitution ou la modification d’une CA au moins trois mois à l’avance. Le lieu de la production est alors défini et, ainsi, l’étendue de la communauté d’autoconsommateurs est déterminée. Actuellement, la constitution d’une CA peut avoir lieu derrière un point de raccordement au réseau existant. Selon la version de l’OEne mise en consultation, on peut partir du principe que des raccordements au réseau peuvent éventuellement être réunis. La réglementation finale est pour l’instant encore en suspens. Une seule chose est claire: on ne peut pas avoir recours au réseau de distribution pour la consommation propre.

Du point de vue de l’AES, des quartiers entiers ne devraient pas pouvoir constituer des communautés d’autoconsommateurs; seuls des consommateurs finaux connexes tels qu’un immeuble, un hôpital avec plusieurs bâtiments ou un centre commercial devraient pouvoir le faire, dans la mesure où ils sont raccordés derrière le même point de raccordement (domestique). Ce dernier est choisi car il marque la limite de propriété électrique entre le réseau de distribution et l’installation domestique. L’infrastructure de réseau devrait en principe ne pas être modifiée uniquement pour profiter de l’encouragement actuellement appliqué car elle survivra probablement largement aux mécanismes d’encouragement d’aujourd’hui. Pour les bâtiments existants, le lieu de la production devrait par conséquent être défini sur l’infrastructure de réseau existante.

Pour les nouveaux raccordements, le gestionnaire de réseau détermine le point de raccordement (domestique) sur la base de critères techniques et économiques. À ce sujet, du point de vue de l’AES, il faut tenir compte des principes du développement du réseau tels que le fait d’éviter la construction de lignes parallèles et la traversée d’infrastructure publique (rues). Si tel est le cas, le souhait de l’utilisateur raccordé de mettre en pratique la consommation propre sur plusieurs parcelles ou unités de construction peut être pris en compte lors du choix du point de raccordement.

En outre, selon les prescriptions de la nouvelle Loi sur l’énergie, il faut considérer la puissance de production lors d’un regroupement dans le cadre de la consommation propre. Un tel regroupement avec plusieurs sites de consommation n’est autorisé que dans la mesure où la puissance de production totale sur le lieu de production est considérable par rapport à la puissance de raccordement au point de mesure. En revanche, la quantité d’énergie produite pendant le fonctionnement n’a pas d’importance pour la constitution d’une CA. Dans le premier projet de l’Ordonnance sur l’énergie (OEne), un rapport de 10 % avait été proposé, suite à quoi l’AES a demandé, dans le cadre de la consultation, qu’il soit augmenté à 30 %.

Et les consommateurs finaux ?

Si un propriétaire foncier instaure la consommation propre pour ses locataires, ceux-ci peuvent décider, au moment de l’instauration, s’ils veulent être approvisionnés par leur propriétaire foncier ou s’ils veulent conserver l’approvisionnement de base réalisé par le gestionnaire de réseau de distribution. Ensuite, ils pourront décider d’abandonner la consommation propre uniquement si le propriétaire foncier néglige ses obligations ou si le consommateur final fait valoir son droit à l’accès au marché (dans la mesure où sa consommation propre est supérieure à 100  MWh). Pour les nouvelles constructions, la consommation propre peut être instaurée avant que les locataires ne soient connus.

Étant donné que, selon la LEne, le GRD doit traiter le regroupement dans le cadre de la consommation propre comme un consommateur final, le GRD fera, à l’avenir, valoir ses droits et ses obligations figurant dans la législation sur l’approvisionnement en électricité (LApEl, LEne ou OIBT) envers le regroupement ou envers le propriétaire foncier, et non plus envers chaque site de consommation au sein du regroupement. Ainsi, le gestionnaire de réseau informera l’interlocuteur pour la consommation propre des délestages prévus, par exemple. La transmission de ces informations au sein de la CA incombe directement à cette dernière.

Accès au marché

Une CA peut acheter de l’énergie sur le marché libre si elle (c’est-à-dire l’ensemble des membres) affiche une consommation annuelle de plus de 100  MWh.

Chaque consommateur final garde son droit d’accès au marché lorsqu’il s’affilie à une CA. Si un locataire ou un preneur de bail à ferme fait valoir ce droit, le propriétaire foncier doit garantir l’approvisionnement par un autre fournisseur d’énergie.

Mesure et décompte

Le regroupement dans le cadre de la consommation propre dispose, par rapport au gestionnaire de réseau, d’un point de mesure  derrière le point de raccordement (domestique) sur lequel est mesuré le soutirage depuis le réseau et l’excédent. Le gestionnaire de réseau décompte cette mesure avec l’interlocuteur du regroupement. Les mesures de consommation au sein du regroupement dans le cadre de la consommation propre, ainsi que les mesures internes incombent au propriétaire foncier ou à son prestataire de services. La réglementation de la consommation propre vaut pour la consommation d’énergie électrique produite et consommée (soi-même) en même temps. Le « net metering » n’est donc pas autorisé. La consommation peut avoir lieu de manière décalée dans le temps par rapport à la production uniquement en lien avec des dispositifs de stockage internes.

Le propriétaire foncier est responsable de la mesure de chaque consommateur final. C’est aussi à lui qu’incombe la responsabilité de satisfaire aux exigences légales relatives à la mesure et aux compteurs.

Pour les installations de production d’une puissance de raccordement de plus de 30  kVA, l’enregistrement de la production nette et des garanties d’origine est obligatoire. Une mesure de la courbe de charge avec transmission automatique des données est actuellement prescrite pour ces installations.

Coûts engendrés par la constitution d’une CA

Tous les changements auxquels il faut procéder pour la mise en pratique de la réglementation de la consommation propre, au niveau des installations, des appareils de mesure et des données de mesure (recâblage, montage et changement des compteurs, etc.), doivent être à la charge du propriétaire foncier, de même que les coûts des éventuelles adaptations du raccordement au réseau, du démantèlement d’éléments de réseau ou de l’amortissement de l’infrastructure non amortie.

Rapport de sécurité

L’Ordonnance sur les installations à basse tension oblige les propriétaires à faire contrôler leurs installations après la construction, puis à intervalles déterminés. Six mois avant la fin de la période de contrôle, les gestionnaires de réseau doivent inviter par écrit les propriétaires à envoyer un nouveau rapport de sécurité. On ne sait pas encore comment sera traitée une CA dont les membres seront soumis à des périodes de contrôle différentes ou non connues.

Suite de la procédure

Il convient d’analyser les réglementations et contrats existants qui concernent la consommation propre et ont été conclus avant l’entrée en vigueur de la LEne au 1er  janvier 2018 afin de déterminer si une révision est nécessaire.

Au printemps 2017, sur mandat de la Commission Économie des réseaux, un groupe de travail a commencé la révision du Manuel de l’AES sur la réglementation de la consommation propre. Ce manuel décrit l’interface entre les gestionnaires de réseau et les communautés d’autoconsommateurs ou les consommateurs propres. Les processus internes à une CA ne sont délibérément pas décrits dans ce document. Le gestionnaire de réseau n’a aucun droit ni aucune obligation concernant les relations internes à une CA. La révision se poursuivra lorsque les nouvelles réglementations de l’ordonnance seront connues; on peut donc tabler sur une publication du nouveau manuel au premier semestre 2018.

Auteur
Olivier Stössel

est responsable technique et sécurité à l‘AES.

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