Article Régulation

Bon pour le climat et pour l’économie

Loi révisée sur le CO2

27.04.2021

À l’automne 2020, le Parlement suisse a adopté une loi révisée qui règle les mesures et les objectifs relatifs aux émissions de CO2. Un référendum a été lancé contre cette loi : la population suisse pourra donc voter sur ce projet phare le 13 juin 2021.

Le changement climatique se révèle particulièrement prononcé en Suisse. Depuis 1864, la température moyenne a augmenté d’environ 2° C, soit deux fois plus que la moyenne mondiale. Les conséquences se font sentir : les glaciers en Suisse fondent et, depuis quelques années, perdent toujours plus rapidement en volume. Depuis 2010, quelque 10 % du volume total des glaciers a fondu. Le changement climatique se transforme en crise climatique, et la Suisse ne fait pas exception. Vagues de chaleur et périodes sèches plus fréquentes, précipitations plus intenses, inondations et glissements de terrain en hausse en sont les conséquences. Sans oublier l’augmentation des températures dans les lacs et les rivières.

Le changement climatique modifie l’environnement et engendre de gros dégâts et des coûts élevés. Voici ce qu’en dit Gunthard Niederhäuser, responsable Non-vie et réassurance à l’Association Suisse d’Assurances : « Le changement climatique menace la société et l’économie mondiale. Les assurances ont tout intérêt à contenir le plus possible les potentiels dommages à l’environnement, ne serait-ce que pour la bonne marche de leurs affaires. Dorénavant, les assurances devront davantage se poser la question de savoir quels risques elles veulent encore couvrir. Certains assureurs n’acceptent déjà plus dans leur portefeuille des entreprises qui réalisent la majeure partie de leur chiffre d’affaires avec du charbon. L’élimination progressive des risques industriels qui nuisent gravement au climat ne doit plus être taboue. »

Il faut réduire les émissions de gaz à effet de serre

Il est aujourd’hui incontesté que les émissions de gaz à effet de serre sont à l’origine de l’augmentation observée des températures. Une chose est donc claire, il faut intervenir à chaque source de ces émissions : dans les transports, dans l’industrie, dans les ménages ou dans l’agriculture. L’action est en particulier requise dans les secteurs des transports et de l’industrie/des ménages. En 2019, le Conseil fédéral a proclamé l’objectif « zéro émission nette », objectif que la Suisse doit  atteindre d’ici à 2050. À l’échelle internationale, la Suisse est en bonne compagnie : 189 États – dont la Suisse – et l’UE ont ratifié l’Accord de Paris sur le climat, s’engageant à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Tous les pays sont désormais tenus de soumettre des trains de mesures concrets qui aideront à atteindre cet objectif. À l’automne  2020, le Parlement a adopté pour cela la Loi révisée sur le CO2, qui règle les objectifs et les mesures d’ici à 2030. Le référendum a été lancé contre cette loi. Le 13 juin 2021, la Suisse s’exprimera dans les urnes sur ce projet climatique.

Un large train de mesures donne à la Suisse son cap climatique

La Loi révisée sur le CO2 pose les bases qui permettront à la Suisse de réduire ses émissions de gaz à effet de serre, d’ici à 2030, de 50 % par rapport à 1990. 75 % de cette réduction doit se faire dans le pays et 25 % à l’étranger. La Loi révisée sur le CO2 met, en substance, l’accent sur un train de mesures équilibré et pragmatique composé d’incitations financières, d’investissements et de nouvelles technologies. Mais attardons-nous plus en détail sur quelques-unes des principales mesures prévues par cette loi :

La taxe sur le CO2, introduite en 2008, est maintenue sous la forme d’une taxe incitative. Le principe est simple : qui génère beaucoup de CO2, paie. Les autres sont moins taxés. Ainsi, un comportement favorable au climat est directement récompensé. La Confédération prélève une taxe sur les carburants fossiles tels que le mazout, le gaz naturel ou le charbon. C’est le Conseil fédéral qui détermine le montant de cette taxe. Sur la base de la loi actuelle, il peut fixer celle-ci à 120 francs par tonne de CO2 au maximum (soit environ 30 centimes par litre de mazout, et environ 2,4 centimes par kWh de gaz naturel). La nouvelle loi révisée octroie au Conseil fédéral la compétence de relever cette taxe à 210 francs par tonne de CO2 (environ 50 centimes par litre de mazout et environ 4,2 centimes par kWh de gaz naturel) ; ce, toutefois, uniquement si les émissions de CO2 ne baissent pas suffisamment. Deux tiers de cet argent sont redistribués à la population et à l’économie. Le reste est versé au Fonds pour le climat. Aujourd’hui déjà, chaque personne se voit rembourser le même montant via la caisse maladie, quelle que soit la quantité d’énergie fossile qu’elle consomme. En 2020, ce montant était de 87 francs par personne. En conséquence, une famille de quatre personnes a récupéré l’année dernière 348 francs provenant de la taxe sur le CO2. Si ce ménage familial se chauffe à l’énergie renouvelable, il dispose donc de 348 francs supplémentaires par an.

En complément de la taxe sur le CO2, une taxe sur les billets d’avion est désormais introduite. Celle-ci prend également la forme d’une taxe incitative, qui se monte à 30 francs par passager pour les vols court-courriers. Elle augmente en fonction de la distance à parcourir, le maximum étant de 120 francs pour les vols long-courriers. Là aussi, on applique le principe de la redistribution : plus de la moitié des recettes revient à la population et à l’économie. Les produits restants sont versés dans le Fonds pour le climat. Cet argent sert notamment à promouvoir le développement de kérosène écologique de synthèse, dans le but de rendre l’industrie aérienne plus verte. Jusqu’à 30 millions de francs par an de ces moyens provenant de la taxe sur les billets d’avion affectés au Fonds pour le climat peuvent en outre être utilisés pour améliorer l’offre de trains de nuit.

Un instrument de financement intelligent

Le Fonds pour le climat rassemble les différentes sources de financement pour les investissements dans la protection du climat. Les instruments existants et éprouvés, tels que le Programme Bâtiments ou le Fonds de technologie, sont réunis sous un même toit. La perméabilité mutuelle entre les deux programmes sera améliorée. Le Fonds pour le climat garantit le financement efficace d’investissements favorables au climat, tels que la planification et le financement de réseaux de chaleur à distance comme contribution importante à la décarbonation du secteur de la chaleur, ou la construction de bornes de recharge pour les véhicules électriques comme levier principal d’une électrification rapide de la mobilité. Le Fonds soutiendra aussi financièrement l’assainissement de bâtiments et les nouvelles constructions de remplacement, ainsi que l’installation de chauffages exempts de CO2. Et les entreprises suisses reçoivent du soutien pour mettre plus rapidement sur le marché des technologies favorables au climat. La Suisse en tant que place économique et scientifique peut ainsi améliorer sa capacité d’innovation tout en s’assurant d’importants marchés d’avenir.

Maintien du soutien pour les propriétaires immobiliers

Avec le Fonds pour le climat, la poursuite du Programme Bâtiments, alimenté par l’affectation partielle de la taxe sur le CO2 à hauteur de 450 millions de francs par an, est assurée. De l’argent à disposition des propriétaires et des sociétés immobilières pour la préservation de la valeur et l’assainissement de leurs bâtiments lorsque, par exemple, ils se décident pour une isolation énergétique des toits et des façades ou l’installation d’un chauffage renouvelable. Le Fonds pour le climat peut aussi assurer des banques et des assurances contre les risques lorsque celles-ci financent des assainissements de bâtiments favorables au climat. Cela permet le financement de cas de rigueur, par exemple lorsqu’un propriétaire a du mal à obtenir une hypothèque.

Outre les incitations financières, les nouvelles valeurs limites de CO2 créeront davantage de sécurité de planification pour les propriétaires de bâtiments et les fournisseurs d’énergie. D’ici à 2026/27, les émissions de CO2 doivent diminuer de 50 % en moyenne par rapport à 1990. Cela signifie que, de manière générale, les nouvelles constructions ne devront plus engendrer aucune émission de CO2 issue de combustibles fossiles. C’est d’ores et déjà la norme aujourd’hui. Les règles ne sont en revanche pas aussi strictes pour les bâtiments existants. Mais si un chauffage vient à être remplacé, un plafond de 20 kg de CO2 par mètre carré de surface s’applique. Cette valeur sera abaissée de 5 kg tous les cinq ans. Il vaut donc la peine de planifier à long terme.

La compétitivité reste garantie

Grâce à la Loi révisée sur le CO2, la compétitivité des entreprises suisses est garantie. Toutes les entreprises ont désormais la possibilité de concilier rentabilité et protection du climat. Quiconque – grande firme ou petite entreprise commerciale ou artisanale – est prêt à investir dans des mesures climatiques peut faire exonérer sa société de la taxe sur le CO2. Cela génère un avantage supplémentaire, car les entreprises peuvent ainsi faire baisser non seulement leurs émissions, mais aussi leurs coûts. Une affaire attractive au profit de la compétitivité pour l’économie suisse, avec un double effet.

Comme auparavant, les 50  plus gros émetteurs de CO2 (entreprises industrielles) ne paieront pas de taxe sur le CO2. À la place, ces sociétés participent au système d’échange de quotas d’émissions avec l’UE.

Coûts versus investissements

Des calculs et des études montrent que les coûts engendrés seront énormes si la société ne parvient pas à maîtriser la crise climatique. Ces coûts dépasseront largement ceux d’une protection active du climat – aujourd’hui comme à l’avenir. L’OCDE chiffre les coûts d’un réchauffement climatique non freiné d’ici à 2050 à jusqu’à 10 % de sa performance économique.[1] Transposé à la Suisse, cela correspond à jusqu’à 4 % du produit intérieur brut.

La Suisse paie d’ores et déjà environ 8 milliards de francs par an pour les fournitures d’énergie fossile. Elle couvre ainsi environ 75 % de ses besoins totaux en énergie. Une dépendance unilatérale qui place la sécurité d’approvisionnement de la Suisse sous forte pression. La Loi révisée sur le CO2 entend ici contribuer à libérer petit à petit la Suisse de cette dépendance. Les milliards annuels doivent, à l’avenir, être davantage investis dans le pays. Différentes études montrent l’intérêt d’une telle démarche, qui profitera à la Suisse en tant que place économique, mais aussi scientifique.

En 2019, l’alliance économique « Initiative Chaleur Suisse » a par exemple exposé, dans une vaste étude, qu’une décarbonation complète du secteur du chauffage et du refroidissement en Suisse générerait au moins 1,5 milliard de francs de création de valeur supplémentaire. Une étude de la ZHAW publiée en début d’année en arrive au même résultat : si, par exemple, la Suisse accélère le passage aux voitures électriques et le remplacement de chauffages au mazout et au gaz par des pompes à chaleur, elle économiserait quelque 1,65 milliard de francs rien que pour l’année  2030. Remplacer le charbon dans la production de ciment et construire de nouvelles installations photovoltaïques permet aussi de réduire les coûts économiques. Dans l’ensemble, mettre en œuvre toutes les mesures étudiées entraînerait des économies nettes de coûts de 980 millions de francs rien qu’en 2030.

La Loi révisée sur le CO2 mérite d’être soutenue

La Loi révisée sur le CO2 veut récompenser les comportements favorables au climat en donnant les bonnes impulsions à la population et à l’économie et en créant des incitations. Elle mise ainsi sur l’innovation et sur la récompense. La Loi révisée sur le CO2 est une solution pragmatique qui a bien su intégrer les intérêts particuliers d’acteurs différents. Les moyens financiers du Fonds pour le climat permettent de promouvoir les investissements dans l’infrastructure et dans les bâtiments et de soutenir les entreprises innovantes dans le développement et la production de technologies favorables au climat. Il faut des solutions commercialisables qui ne se basent plus sur les énergies fossiles et qui peuvent également être exportées avec succès.

Aujourd’hui déjà, la Suisse n’est pas en reste au niveau international pour ce qui est des technologies vertes. La Loi révisée sur le CO2 entend accélérer et consolider cette évolution. Pour ce faire, les conditions-cadre sont conçues de sorte à rester justes et abordables. Les calculs de la Confédération pour déterminer les coûts qui incomberont à une famille moyenne sont sérieux et complets : une famille typique de quatre personnes partant en vacances en Europe une fois par an en avion, ayant une consommation de mazout dans la moyenne et utilisant la voiture régulièrement, paiera environ 100 francs de plus par an qu’avec la législation actuelle. Si elle opte pour une voiture électrique, cette somme est divisée par deux. Si elle ne prend pas l’avion pour partir en vacances, ou si elle se chauffe sans émissions de CO2, elle reçoit même davantage d’argent en retour que ce qu’elle paie.

La Loi révisée sur le CO2 est un compromis à la suisse des plus typiques. Elle inclut ce qui est réalisable et présente un train de mesures efficace, mais aussi juste. La Suisse se donne ainsi un cap climatique. Les conditions-cadre créées permettent à la population et à l’économie de se repérer de manière fiable. Aujourd’hui, et plus que jamais à l’avenir. Une évolution positive, qu’il convient de soutenir.

Références

[1]   « The Economic Consequences of Climate Change », OCDE, 2015.

Auteur
Stefan Batzli

est directeur d’AEE Suisse.

  • AEE Suisse, 3001 Berne

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