Augmenter l’efficacité des prosommateurs
Étude en vue de l’optimisation de la consommation propre
Une augmentation de la consommation propre des prosommateurs est souhaitable autant d’un point de vue énergétique que d’un point de vue économique. Malheureusement, l’énergie est souvent produite lorsqu’elle ne peut pas être entièrement utilisée dans le ménage. Le taux d’autoconsommation peut-il être augmenté de façon significative avec des systèmes de gestion de l’énergie exploitant la flexibilité des pompes à chaleur et des batteries?
Les prosommateurs sont des clients finaux qui, non seulement consomment de l’électricité, mais en produisent également eux-mêmes. Dans les ménages, cette énergie est généralement produite avec un système photovoltaïque. La production et la consommation d’électricité ont rarement lieu en même temps, ce qui a pour conséquence un faible taux de consommation propre. L’électricité excédentaire doit donc être injectée dans le réseau bien que la rétribution soit, dans de nombreux endroits en Suisse, déjà bien inférieure aux coûts d’approvisionnement en électricité. L’augmentation du taux de consommation propre est donc économiquement intéressante pour les prosommateurs. Les systèmes de gestion de l’énergie tentent de faire croître ce taux en contrôlant les pompes à chaleur et en utilisant des batteries. Pour ce faire, les flexibilités temporelles existantes ainsi que les capacités de stockage thermique et électrique sont exploitées. Dans le cadre du projet Prosumer-Lab (référence SI/501434-01) financé par l’OFEN, trois systèmes de gestion de l’énergie disponibles sur le marché ont été évalués pour des maisons individuelles types, et des améliorations potentielles ont été identifiées.
Performances des systèmes de gestion de l’énergie
Dans le cadre de ce projet, un banc de test a été mis en place au Centre de recherche sur le stockage de l’énergie Esrec (Energy Storage Research Center), à Bienne, dans le but de tester l’interaction des différents composants matériels d’un prosommateur dans un environnement réaliste.[1] Afin que les différents appareils puissent être comparés de façon reproductible, certains composants sont simulés (figure 1). Dans le contexte du projet Prosumer-Lab, cela permet par exemple de mémoriser la courbe de l’énergie produite par le système PV avec les données météorologiques correspondantes pour une période de référence. Le système PV émulé générera donc le même profil de courant pour chaque test. C’est un peu plus compliqué avec la pompe à chaleur. L’ensemble du système thermique du ménage est modélisé à l’aide du logiciel Polysun, qui permet de déterminer la demande thermique en eau chaude sanitaire et en énergie de chauffage en se basant sur le comportement des utilisateurs et les données météorologiques. La pompe à chaleur, qui peut être sélectionnée dans la vaste bibliothèque Polysun de modèles disponibles dans le commerce, est contrôlée de telle sorte que l’interaction avec les réservoirs tampons existants pour l’eau chaude sanitaire et le système de chauffage couvre les besoins thermiques. La consommation électrique de la pompe à chaleur est ensuite reproduite, tout comme celle des consommateurs électriques créés par le générateur de profil de charge (www.loadprofilegenerator.de) sur la base de caractéristiques d’utilisateurs, à l’aide d’un émulateur de charge afin de créer une vraie consommation électrique. Cette structure a permis d’examiner en détail le comportement de commutation ainsi que l’interaction des systèmes de gestion de l’énergie avec la pompe à chaleur et la batterie. Par exemple, il a été possible de prouver que la consommation des systèmes de gestion d’énergie examinés s’étend de 3 W à 7 W, ce qui correspond plus ou moins aux données des fabricants et à une consommation annuelle d’environ 40 kWh.
En plus des études en laboratoire, des simulations ont également été effectuées afin d’obtenir des informations sur les performances des systèmes sur une année entière. Des bâtiments bien (valeur de performance énergétique VPE de 35 kWh/m2), moyennement (70 kWh/m2) et mal isolés (150 kWh/m2) ont été étudiés en tenant compte du comportement d’utilisation d’une famille composée de deux adultes et de deux enfants. Des pompes à chaleur air/eau adaptées aux besoins thermiques ont été utilisées et le système PV a été dimensionné pour que l’énergie PV produite corresponde à la consommation annuelle d’électricité. C’est ce qu’on appelle la règle 1:1, selon laquelle une installation solaire d’une puissance nominale de 1 kW est installée par MWh de consommation annuelle. Pour la consommation annuelle moyenne sans pompe à chaleur, la valeur moyenne suisse d’environ 5 MWh a été retenue. Les propriétés des bâtiments examinés résultant de ces hypothèses sont résumées dans le tableau 1.
Les études montrent qu’avec la configuration décrite ci-dessus, en moyenne environ 20 à 30% de la production photovoltaïque peut être consommée directement sur place. Comme le montre le tableau 2, les configurations avec des systèmes PV plus petits, comme dans le scénario S3 où la production PV est inférieure à la consommation annuelle, ont logiquement des taux de consommation propre plus élevés. En incorporant un simple contrôle de la pompe à chaleur par le biais du système de gestion d’énergie EMS 1, le taux de consommation propre peut être augmenté en moyenne d’environ 2 à 4%. Dans les cas étudiés, cela signifie qu’environ 300 kWh supplémentaires peuvent être consommés directement sur place. Le système simple de commande de la pompe à chaleur est basé sur le principe suivant: la pompe à chaleur est enclenchée pour stocker de l’énergie supplémentaire dès que la puissance PV dépasse la puissance maximale de la pompe à chaleur. Les deux autres solutions commerciales étendent cette simple commutation de seuil avec d’autres options qui permettent de stocker plus d’énergie. Ceci est obtenu dans le cas du système EMS 2 par une fonction d’hystérèse, et dans celui du système EMS 3, par une mesure additionnelle de la puissance de la pompe à chaleur. Ces options permettent d’augmenter encore le taux de consommation propre jusqu’à 1% supplémentaire. De manière générale, on peut constater que les performances des systèmes ne diffèrent que de façon insignifiante, EMS 2 étant la solution la plus économique car elle ne nécessite pas de compteur ou d’appareils supplémentaires. D’un point de vue financier, ces EMS ne sont pas rentables: avec un tarif bas de rétribution de 4 cts/kWh, tel que pratiqué à Eggiwil en 2017, il ne serait possible d’économiser que 30 à 50 francs par an, selon le type de bâtiments et d’appareils. Cela correspond à une période d’amortissement d’au moins 16 ans.
La situation est différente avec l’utilisation supplémentaire d’une batterie. Les taux de consommation propre obtenus en utilisant une batterie de 10 kWh sont plus que doublés et, en moyenne, 3 MWh de plus peuvent être consommés directement sur place. L’influence de la capacité de la batterie sur le taux de consommation propre est illustrée dans la figure 2 pour le scénario S3. On constate qu’avec des capacités supérieures à 10 kWh, la courbe d’augmentation de la consommation propre s’aplatit rapidement. Par analogie avec le critère de dimensionnement pour l’installation PV, le critère de dimensionnement suivant peut donc être établi: une capacité de batterie d’au maximum 1 kWh est installée pour chaque MWh de consommation annuelle. D’un point de vue financier, cependant, la batterie est également peu rentable. En effet, avec une batterie de 10 kWh, il est possible d’économiser entre 300 et 400 francs par an, ce qui, avec un prix d’achat actuel d’au moins 5000 francs et une durée de vie prévue d’environ 13 ans (5000 cycles complets), est juste suffisant pour un amortissement sur l’ensemble de sa durée de vie.
Potentiel d’amélioration
En cas d’utilisation de batteries, l’énergie PV excédentaire est stockée temporairement et utilisée plus tard si nécessaire, par exemple le soir. Dans le cas de la commande de la pompe à chaleur, on tente d’exploiter le même effet, cette fois-ci sur le plan thermique. En principe, il existe deux possibilités: l’énergie excédentaire peut être stockée directement dans le bâtiment, ou alors dans les réservoirs pour l’eau chaude sanitaire et l’eau de chauffage. La capacité de stockage disponible dans le bâtiment dépend donc fortement des matériaux de construction. Pour une maison individuelle en béton, une capacité de stockage thermique allant jusqu’à 60 kWh a été déterminée en cas de surchauffe de 2°C, ce qui, avec un coefficient de performance de 3, correspond à une consommation électrique supplémentaire des pompes à chaleur de 20 kWh. Dans la pratique, de telles valeurs théoriques de capacité ne peuvent toutefois guère être utilisées car, d’une part, du fait des grandes constantes de temps, ce sont principalement les surfaces dotées de chauffage au sol qui se prêtent bien au stockage d’énergie et, d’autre part, la commande individuelle des pièces du bâtiment est également nécessaire. Les pompes à chaleur utilisent donc la seconde option, qui consiste à augmenter la température des réservoirs en cas d’ensoleillement. Cependant, seules de petites quantités d’énergie peuvent être stockées ainsi. Par exemple, avec une surchauffe de 10°C du contenu d’un réservoir de 500 l, on ne peut stocker que 6 kWh. Cela signifie qu’une pompe à chaleur air-eau peut absorber environ 2 kWh d’énergie supplémentaire, ce qui ne représente qu’une fraction de l’énergie PV excédentaire habituellement disponible.
Si l’on part du principe que l’on peut toujours utiliser la pompe à chaleur quand il y a du soleil (figure 3), on peut déterminer l’énergie maximale théorique pouvant être directement consommée sur place.[2] La figure 3 montre qu’il existe un potentiel d’optimisation évident, surtout au début et à la fin de la période de chauffage, lorsque la pompe à chaleur fonctionne moins de 50% de la journée. Théoriquement, pour le scénario S3, au lieu des 300 kWh d’autoconsommation avec une régulation optimale de la chaleur, jusqu’à 1300 kWh, c’est-à-dire au moins quatre fois plus d’énergie, pourraient ainsi être consommés directement sur place.
Possibilité d’optimisation
Il existe plusieurs façons d’exploiter ce potentiel. Par exemple, la taille des réservoirs peut être augmentée. Les simulations ont montré que des réservoirs 2,5 fois plus grands permettraient de stocker environ 5 kWh par jour. Le taux de consommation annuelle propre serait ainsi encore augmenté d’environ 2%, et 500 kWh (au lieu de 300 kWh) pourraient alors être consommés directement sur place. Un effet similaire peut être obtenu en augmentant la température du réservoir. Les pompes à chaleur sont généralement limitées à environ 60°C, mais une augmentation supplémentaire peut être obtenue avec des corps de chauffe. La solution AskoConsole récemment lancée par la société suisse Askoma semble très intéressante à cet égard, car elle parvient de manière intelligente à augmenter la température du réservoir jusqu’à 85°C.
Une autre méthode consiste à ajuster en continu la puissance de la pompe à chaleur à la puissance excédentaire. Il a été démontré qu’avec une augmentation de la consommation propre d’environ 1,5%, cette solution est presque aussi efficace que d’utiliser de plus grands réservoirs, mais sans frais d’installation supplémentaires. Les pompes à chaleur à régulation de fréquence modernes prennent en principe en charge cet ajustement de puissance, mais ce dernier ne peut pas être exploité avec l’interface SG-Ready mise aujourd’hui à disposition, qui est généralement utilisée pour la communication avec les pompes à chaleur. C’est pourquoi les efforts actuels se concentrent sur le contrôle direct des pompes à chaleur. Ceci permet d’exploiter d’autres potentiels d’optimisation. Il a été démontré, par exemple, que les algorithmes basés sur des modèles qui prédisent l’évolution de la consommation thermique et de la production photovoltaïque peuvent encore augmenter considérablement le taux de consommation propre. De telles solutions sont également très bien adaptées à l’utilisation efficace du potentiel de stockage thermique des bâtiments de plus grande taille.
Des systèmes de contrôle simples tels que ceux proposés aujourd’hui sont tout à fait suffisants pour augmenter la consommation propre au moyen de batteries. Cependant, de nouveaux algorithmes de contrôle sont nécessaires si, comme le propose la société suisse Aurora’s Grid (www.aurorasgrid.com), la durée de vie des batteries doit être étendue, ou si des services liés au réseau doivent être implémentés.
Conclusions
D’un point de vue purement économique, le recours à des systèmes de gestion d’énergie pour augmenter le taux de consommation propre n’est pas forcément judicieux pour les maisons individuelles. Les potentiels d’amélioration existants peuvent être atteints par une planification et un dimensionnement corrects des composants du système ou par l’implémentation d’algorithmes efficaces pour la commande des pompes à chaleur. L’intégration de batteries est toujours judicieuse d’un point de vue technique, mais pas encore d’un point de vue économique. On peut supposer que la viabilité économique sera atteinte beaucoup plus rapidement en présence de grands bâtiments et de communautés d’autoconsommation.
Références
[1] Prosumer-Lab Test Bench – The smart home in the lab, www.esrec.swiss.
[2] Y. Stauffer, N. Koch, A. Hutter, N. D. Pflugradt, «Quantifying the potential of smart heat-pump control to increase the self-consumption of photovoltaic electricity in buildings», 12th International conference on solar energy for buildings and industry (EuroSun 2018), Rapperswil, Switzerland, 2018.
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