Association AES , Marchés et régulation

Conception de l'avenir énergétique

Débat politique

14.12.2017

Lors de la deuxième édition des thèmes-clés à Lausanne le 23 novembre, un débat politique animé par Bernard Wuthrich a rassemblé les Conseillers nationaux Manfred Bühler et Isabelle Chevalley, ainsi que le Conseiller aux États Robert Cramer. Les parlementaires ont notamment partagé leur point de vue sur la mise en œuvre de la Stratégie énergétique 2050, le développement des énergies renouvelables, l’ouverture du marché et sur l’organisation du marché de demain.

Développement des énergies renouvelables

Robert Cramer: La façon dont la RPC a été gérée avec une telle liste d’attente est un véritable scandale. Le système de la RPC n’a jamais été correctement dimensionné. Il a été conçu par des gens qui n’y croyaient pas, comme s’il y allait avoir seulement quelques dizaines de demandes, comme si le photovoltaïque ne marcherait jamais.

Isabelle Chevalley: La limite de production à atteindre pour devenir un projet d’intérêt national est trop élevée. 90% des projets éoliens iront au Tribunal fédéral. Nous sommes dans une période d’incertitude et les marchés n’aiment pas l’incertitude. Il faut entre 7 et 17 ans pour faire un parc et dans 7 ans, il n’y aura plus de RPC.

Manfred Bühler: Sur le débat éolien, je pense qu’il est nécessaire d’avoir une production indigène d’électricité, quitte à faire des compromis avec la protection du paysage.

Ouverture du marché

Isabelle Chevalley: Je suis favorable à une ouverture du marché, mais pas de manière anarchiste et pas n’importe comment. C’est une vraie chance pour les auto-producteurs et les consommateurs. Si l’État ne s’en était pas mêlé avec ses subventions, le nucléaire et le charbon ne fonctionneraient pas et les énergies renouvelables domineraient le marché. Je crois aux vertus libérales, pas anarchiques. Si on laisse le marché se faire dans un cadre donné, cela permet l’innovation et la flexibilité. L’auto-production permettra de dynamiser les énergies renouvelables.

Robert Cramer: L’ouverture du marché est une sottise. Personne n’en veut. Un monopole est nécessaire dans le domaine de l’électricité car nous n’avons pas quatre prises dans chaque maison avec quatre lignes électriques. Le seul endroit où on peut casser le monopole est au niveau de la production. L’ouverture du marché signifierait condamner l’hydraulique avec les conditions de marché actuelles. Les clients captifs permettent à l’hydraulique de survivre en payant leur électricité plus chère.

Manfred Bühler: Personnellement, je suis prêt à envisager une ouverture du marché de manière raisonnée, mais par nécessité et non par enthousiasme délirant. Le besoin de sécurité d’approvisionnement totale est un point essentiel. Il est nécessaire de s’ouvrir à l’Europe, pas d’y adhérer, mais d’être connecté pour la stabilité du réseau. Les défis pour notre économie comme la digitalisation nécessite des centres de calculs et des serveurs qui consomment énormément d’énergie. L’essentiel est que les entreprises puissent compter sur un approvisionnement stable, condition nécessaire à l’emploi et à la prospérité en Suisse.

Organisation du marché de demain

Manfred Bühler: Je ne partage pas l’avis d’une sécurité totale en 2035 car l’évolution rapide de notre société ne permettra pas de diminuer la demande en électricité, si une piste d’avenir est par exemple de favoriser le développement de la mobilité électrique. Si on arrête les centrales nucléaires et qu’on ne peut pas développer les énergies renouvelables comme prévu, nous risquons d’avoir un souci d’approvisionnement. Quant à la possibilité de le résoudre avec un accord européen, mes doutes ne se sont pas dissipés. Il faut laisser les centrales nucléaires en fonction tant qu’elles sont sûres et ne pas créer des problèmes en augmentant le niveau de sécurité exigé au-delà de la logique.

Isabelle Chevalley: Je ne suis pas inquiète en ce qui concerne la sécurité d’approvisionnement si on ne tient pas en considération le climat ou l’argent. On ne laissera pas l’économie manquer d’électricité. Nous avons l’énorme chance d’hériter des barrages; heureusement qu’ils ont été construits avant. Notre rôle est la suite du développement des énergies renouvelables. Je suis par contre inquiète face à la faible vitesse de ce développement.

Robert Cramer: Avec le développement de l’auto-production, nous assistons à la rupture d’un système maîtrisé par les ingénieurs et les physiciens pour un système plus chaotique dans lequel on ne sait pas qui produit et qui consomme. Vous n’allez pas reprendre la maîtrise de ce système, mais il fonctionnera. Il s’agit maintenant de déterminer quelles ressources mettre dans le système pour qu’il fonctionne. Il faut une attention plus forte sur les lignes de quartier. La logique des petits réseaux va s’imposer.

Auteure
Céline Reymond

était porte parole et rédactrice AES entre le 1er janvier 2013 et le 31 janvier 2020.

  • AES, 5000 Aarau

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